Au début du vingtième siècle, un jeune Polonais atteint de la tuberculose se retire à Görbersdorf pour se soigner au célèbre sanatorium. N'ayant pas les moyens de s'y loger, il se contente de la pension pour messieurs du village où, ô malheur !, il découvre dès son premier jour le cadavre de la femme du patron tout juste suicidée. A sa grande surprise, le veuf ne semble pas plus affecté, non plus les autres pensionnaires, pour qui les femmes ne sont rien de plus que des figurantes, moins considérées encore que des animaux. Aussi, entre deux séances de thérapie, ces messieurs mangent ou se promènent en philosophant, étalant leurs pseudo-connaissances et vision misogyne du monde. Mal à sa place parmi ses congénères, le protagoniste, qui tente de dissimuler sa vrai nature, prend peu à peu conscience de sombre secrets sur ce village perdu au milieu des montagnes, où un complot semble se dessiner entre les habitants et d'inquiétantes créatures de la forêt...
Dans son nouveau roman, la grande Olga Tokarzcuk nous prouve une fois encore sa capacité à écrire sur tout et à se mettre dans toutes les peaux. Ici, l'autrice prend deux points de vue : un jeune homme sensible atterri au milieu d'une société ultra-masculiniste et des "voix" féminines, surnaturelles, à la fois détachées et omniscientes, dont la nature et le rôle ne nous sont dévoilées qu'à la fin. Quant aux personnages secondaires, ils sont à la fois caricaturaux et complexes, à l'image de ces hommes qui jouent d'une virilité exacerbée pour masquer leurs faiblesses. Comme à son habitude, l'autrice polonaise insère des éléments fantastiques et instille un humour discret, ajoutant des dimensions inquiétante et subtilement absurde à une critique lapidaire du patriarcat. La fin de ce "roman d'épouvante naturopathique" satisfera les lecteurices bien davantage que celle du chef d’œuvre de Thomas Mann dont il est inspiré. Et c'est tant mieux.