Comment, comment a-t-on pu passé à côté de l'unique pièce de théâtre de l'auteur sud-américain le plus lu et le plus aimé en France ? Écrite en 1993, elle ne fut traduite et publiée en français qu'en septembre 2023, soit 30 ans plus tard, et déjà 10 ans après la mort de son auteur. Et jouée au théâtre une seule fois, en 2013, sous un titre légèrement différent (Diatribe amoureuse à l'encontre d'un homme assis, mise en scène par Catherine Alias, Festival Off d'Avignon). Face à cette injustice criante envers les amateurices francophones du Colombien, la traductrice et préfacière Pascale Delahaye a la gentillesse de nous en donner des suppositions d'explication, que je vous laisse découvrir par vous-même.
Il s'agit donc d'un monologue, par une épouse arrivée au bout de sa tolérance pour son époux à l'aube de leurs 25 ans de mariage, anniversaire promis à une fête nationale et somptueuse. Écumant tous ses griefs, mais également la nostalgie de leur amour véritable passé, elle fait face à un mur de silence, incarné par un mannequin-mari assis dans un fauteuil, lisant éternellement le même journal. A la fois courte et longue, la pièce en une seule scène est agrémentée de didascalies très détaillées, montrant que Gabriel Garcia Marquez avait une vision bien précise de ce qu'il voulait voir adapté sur scène. Enfin, l'éditeur français a choisi de publier le texte en bilingue, ce qui permet aux hispanophiles confirmés ou débutants de parcourir le texte original en même temps que sa traduction.
Dans sa préface, Pascale Delahaye prend le temps d'une fine analyse de la pièce et de l'intertexte, discours à charge contre le régime colombien derrière celui, plus banal, d'une femme contre son mari. Il peut être nécessaire pour les néophytes marqueziens, et même pour les plus confirmés, de relire plusieurs fois la pièce pour en saisir le double-sens. Mais ce n'est que du plaisir.