Fauvel ne parvient pas à reprendre sa vie depuis qu'un tir de flashball lors d'une manifestation lui a arraché un oeil. C'est pourquoi, dans un ultime sursaut de volonté, elle accepte de faire du dog-sitting en pleine campagne pour le père de sa meilleure amie. De Paris à ce village perdu, le choc est grand pour cette jeune urbaine. Surtout que la chienne qu'elle doit garder n'est pas tout à fait normale : c'est un clone de l'originale, Hannah la Vieille, dont la dépouille empaillée trône au beau milieu du salon. Sauf que Hannah la Jeune a été un peu mal fabriquée, et elle porte en elle une rage immense contre le monde qui l'a conçue malgré elle. Tout comme Fauvel. Alors toutes les deux, ces deux étrangères cabossées par la vie, vont s'allier. Ce qui se révèle plus que nécessaire contre le gang des chasseurs locaux, taquins et violents, qui prétendent avoir été à de nombreuses reprises enlevés par des extra-terrestres. D'autant que depuis peu, des cadavres d'animaux sauvages, dévorés par une bête inconnue, commencent à s'empiler dans la région...
Avec ce roman aux allures de fin du monde, Phoebe Hadjimarkos Clarke fait évolué le lecteur dans une campagne froide et brumeuse, peu accueillante, à l'atmosphère aux frontières du fantastique qui n'a rien à envier à un bon Stephen King ou à un X-Files des débuts. Sans que ce soit dit frontalement, on se doute qu'on est dans un avenir très proche, une décennie tout au plus, des années pendant lesquelles tout n'a fait que se dégrader. Sentiment d'autant plus prégnant qu'on voit à travers l'oeil unique de la héroïne, Fauvel, dont la vue ainsi déformée, ajoutée à une colère profonde et à un penchant pour la marijuana, fait appréhender le monde de manière si différente, et souvent menaçante. A la fois récit de reconstruction, roman social et thriller fantastique, Aliène apporte une réflexion sur la colère, le désir et le rapport à l'autre, d'une façon qu'on ressent dans sa propre chair, presque... organique.